Le Maroc écrit l’histoire. Au bout du bout d’une confrontation marquée par la possession stérile de l’Espagne, les Lions de l’Atlas ont arraché un ticket légendaire pour les quarts de finale de cette Coupe du monde. Maîtres du ballon sans pour autant parvenir à faire la différence, les Espagnols ont buté sur des Marocains vaillants et dangereux à la récupération du ballon, avant de s’effondrer dans les grandes largeurs lors d’une séance de tirs au but cauchemardesque. Pablo Sarabia, Carlos Soler et Sergio Busquets se sont tour à tour heurtés aux montants de Yassine Bounou ou aux gants du portier marocain, imprenable sur sa ligne.
La Roja, sans magie
Pourtant annoncée favorite à la victoire finale parmi une floppée de sérieux prétendants, la Roja ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Les hommes de Luis Enrique se sont rendus à l’Education City Stadium avec des idées claires et habituelles : la possession à tout prix, pourvu qu’elle parvienne à faire craquer l’adversaire à un moment ou un autre. Mais le dogmatique sélectionneur espagnol a eu beau s’époumoner de plus en plus à mesure que la fatidique séance de tirs au but approchait, ses ouailles n’ont jamais pu tromper des Marocains très appliqués.
Il aura manqué à cette Roja trop disciplinée la touche créative d’un génie capable d’emballer une rencontre d’un moment à l’autre, de débloquer une situation mal embarquée et d’emmener dans son sillage toute une équipe. La force collective espagnole avait beau s’avancer au Qatar avec un plan de jeu léché, huilé, et sans doute mieux travaillé que quiconque, certains observateurs pointaient déjà l’absence de ce facteur X déséquilibrant.
L’expérience et la supériorité théorique ne font pas tout
Il se nommait Iniesta en 2010, lorsque la Roja s’asseyait sur le toit du monde avec une possession ravageuse. Aujourd’hui, Pedri, Gavi ou Sergio Busquets, parfaitement muselé par le marquage individuel de Youssef En-Nesyri puis de Walid Cheddira, n’ont jamais su endosser ce rôle. Et c’est sans doute ce qui fait la différence avec le Brésil de Neymar, l’Argentine de Messi ou la France de Mbappé, toutes trois capables de se sortir des pires écueils grâce à leur génie offensif.
. Elle aurait dû capitaliser sur le vécu de son capitaine Sergio Busquets (34 ans).
Destins contraires pour les Parisiens
Finalement, ce dernier aura été le symbole du cuisant échec espagnol. Fantomatique durant 120 minutes, il aura achevé la chute des siens en manquant le troisième et dernier tir au but de la Roja, faisant suite aux loupés de Pablo Sarabia et Carlos Soler. Sergio Busquets et les deux Parisiens ont buté sur un Yassine Bounou héroïque ou sur son poteau, avant qu’Achraf Hakimi, un autre Parisien, envoient tout un peuple en quart de finale d’une panenka aussi humiliante qu’audacieuse.
Le latéral droit marocain est venu parachever une performance XXL de la part du Maroc. Sous les ordres d’un Walid Regragui qui fait désormais consensus au pays, les Lions de l’Atlas ont réalisé un exploit historique : celui d’une première qualification en quart de finale pour le Maroc. Et si sa vaillance et son esprit collectif absolument exceptionnels ont permis de repousser les vagues espagnoles, ce Maroc détient également de véritables ressorts footballistiques en plus de ces ressources psychologiques grandioses.
Maroc, le "mini-Brésil" made in Africa
Son jeu vertical rapide en transition offensive a maintes fois déséquilibré une Roja souffrant de sa lenteur, incarnée par Sergio Busquets, Rodri ou Aymeric Laporte. Le feu insufflé sur les ailes par Hakim Ziyech et Achraf Hakimi, à droite, ou Sofiane Boufal et Noussair Mazraoui, à gauche, a mis à mal l’arrière-garde espagnole et amené un danger permanent lorsque les Marocains posaient le pied sur le ballon.
À la pointe de l’attaque, Youssef En-Nesyri puis Walid Cheddira, son remplaçant – qui a bien trop tergiversé dans le dernier geste –, ont avant tout effectué le travail défensif sur un Sergio Busquets parfaitement cadenassé. Au milieu, la propension d’Azzedine Ounahi à accompagner les offensives marocaines en apportant sa touche technique et créative a régalé l’Education City Stadium.
La défense, dernier rempart d’une troupe imprenable
, la force de ces Lions a avant tout résidé dans leur colonne vertébrale défensive, composée de Sofyan Amrabat, Nayef Aguerd, Romain Saïss et Yassine Bounou. L’abattage hallucinant du milieu défensif de la Fiorentina, infranchissable et caractériel, a fait autant de différences à la récupération qu’à la relance. La charnière centrale a, comme depuis le coup d’envoi de la compétition, éteint tout départ d’incendie dans la défense marocaine avec une sérénité folle. Nayef Aguerd, parfait jusqu’à sa cruelle blessure en fin de seconde période (84e), a été suppléé par un Jawad El-Yamiq guère aussi rassurant que l’ancien Rennais.
Mais le défenseur du Real Valladolid peut remercier Romain Saïss. Le capitaine des Lions de l’Atlas a été un exemple de solidité et d’autorité pendant près de 90 minutes, avant de se muer en véritable patron de la défense à la sortie de Nayef Aguerd. Victime de violentes crampes en fin de prolongation, il s’est transformé en un modèle de dévouement et de bravoure en conservant son rang malgré la douleur atroce visible sur son visage.
Une séance de tirs au but légendaire
Un sacrifice qui a emmené les Lions de l’Atlas jusqu’à une séance de tirs au but redoutée de toutes parts. Et malgré les doutes de certains, les hommes de Walid Regragui, novices à ce niveau, n’ont pas tremblé. Au contraire des filets d’Unai Simon, qui est allé chercher les tentatives d’Abdelhamid Sabiri et d’Hakim Ziyech au fond de ses buts. Si le rempart espagnol a repoussé la frappe de Badr Benoun, il n’a rien pu faire face à Achraf Hakimi, qui a poursuivi le chef d’œuvre de Yassine Bounou.
"Bono" a été imprenable sur sa ligne et est devenu, en l’espace de quelques minutes, le visage héroïque de cette sélection marocaine emplie de solidarité et dotée d’un esprit combattif bâti à chaux et à sable. Parce que ce Maroc, même après avoir ressorti ses individualités, est avant tout une équipe.
La magie marocaine, bourreau de la péninsule ibérique ?
d’une Coupe du monde, a su insuffler un vent de fraîcheur et donner une véritable identité de jeu à une équipe qui en manquait cruellement auparavant.
La capacité d’adaptation de ce Maroc a fait déjouer la Roja, pourtant favorite, et pourrait continuer à faire des ravages pour une nation qui aspire à jouer les trouble-fêtes lors de ce Mondial. Derniers représentants africains à ce stade la compétition, les Lions de l’Atlas sont les rois de la Savane en cette fin d’automne. Ils comptent bien rugir de nouveau face au Portugal, ce samedi, en quart de finale.