- Qatar
- Enzo Pailot
Le Qatar s’avance pour "sa" Coupe du monde avec deux visages : ceux d’Akram Afif et d’Almoez Ali. Les deux Qatariens font la paire sur le front de l’attaque de la sélection nationale. À la veille du lancement d’une compétition très attendue au pays, les espoirs de tout un peuple reposent sur les épaules de ses deux têtes de gondoles. Deux profils aux aptitudes diamétralement opposées, mais aux destins éminemment rapprochés.
Une inspirante Aspire Academy
Au sein d’une sélection nationale au niveau intrinsèque faible, les profils d’Akram Afif et d’Almoez Ali détonnent. Comme si deux pépites d’or se trouvaient au sein d’un milieu sauvage et encore inexploré. Et ces deux joyaux ont été confectionnés par la même usine : l’Aspire Academy.
Au début du XXIe siècle, le Qatar, fort de son économie pétrolière toujours florissante, souhaite mettre les plats dans les grands pour bâtir une équipe digne de ce nom. L’Aspire Academy, centre de formation ultramoderne, est donc fondée en 2004 dans le but de repérer et développer la nouvelle génération d’athlètes qatariens, et en particulier les footballeurs. Le tandem Afif-Ali en est l’avènement. Le bijou final façonné spécialement pour ce Mondial si prépondérant aux yeux du Qatar.
Jeune contingent sur le Vieux Continent
Almoez Ali est le premier à rallier l’Aspire Academy, en 2006. Akram Afif le rejoindra en 2009, après trois années passées au sein de la formation d’Al-Saad, le plus grand club du pays. Tous deux réalisent leurs gammes à l’Aspire Academy et suscitent des espoirs grandissants au fil des années. À tel point que l’un d’eux tape dans l’œil de l’un des plus grands clubs européens. En effet, Akram Afif s’envole pour l’Espagne alors qu’il n’a pas encore soufflé sa seizième bougie : direction le FC Séville.
Néanmoins, l’aventure s’avère plutôt chaotique pour le jeune Akram Afif ; deux ans à Séville, puis des passages anecdotiques à Villarreal, au Sporting Gijón, et même au KAS Eupen, en Belgique, où il croise la route d’un certain... Almoez Ali. Et une fois n’est pas coutume, lui aussi se casse les dents en Europe. En Belgique, en Autriche ou en Espagne, l’attaquant qatarien ne s’éternise guère et revient au pays en 2016, en s’engageant avec Al-Duhail. Un parcours imité par son compère deux ans plus tard, qui signe lui son retour à Al-Saad.
Les deux têtes d’affiche de la "génération Mondial" sont là, au Qatar, dans les deux plus grands clubs du moment. Dans un championnat qui vit des stars étrangères venues prendre leur cachet, leur opposition en club s’annonce grandiose. Mais leur association en sélection n’en ressort que plus belle.
Afif-Ali, allégorie de la complémentarité
Alignés à la pointe du 5-3-2 de Félix Sánchez Bas - le sélectionneur espagnol du Qatar -, le duo sorti tout droit de l’Aspire Academy est assurément l’arme numéro 1 des Al-Annabi. Le tandem Afif-Ali est parfaitement complémentaire : le premier est l’atout créatif et technique d’une équipe qui en manque cruellement ; le second en est la carte physique et décisive. Deux profils uniques dont la sélection semble grandement dépendante.
Placé plus en retrait d’Almoez Ali, Akram Afif est en réalité un neuf et demi, voire un dix. Il est celui par qui la différence est créée à presque tous les coups. Son profil de meneur de jeu à l’ancienne n’en reste pas moins moderne, lui qui n’a de cesse d’être mobile et de semer le trouble dans la défense adverse. Sa vision de jeu resplendissante sert parfaitement à un Almoez Ali dévoreur d’espaces et qui cherche souvent à prendre la profondeur.
Du haut de son mètre 89, le Soudanais de naissance affiche des qualités athlétiques impressionnantes, alliant puissance et vélocité. Si sa finition n’est pas parfaite et qu’il n’est pas le joueur le plus intelligent avec et sans le ballon, ses qualités physiques lui permettent de se hisser parmi les meilleurs buteurs de l’histoire des Al-Annabi – avec une quarantaine de buts en près de 80 matchs.
Lorsque le tandem Afif-Ali est associé, le danger provient quasi exclusivement des deux vedettes qataries. Voir Akram Afif en retrait, récupérer le ballon dans le rond central, se retourner et lancer un Almoez Ali surpuissant dans la profondeur a été répété maintes et maintes fois depuis maintenant six ans. Une phase de jeu qui constitue le danger principal du Qatar et qui sera sans doute reproduite face à l’Équateur, le Sénégal et les Pays-Bas dans les prochains jours.
The Last Chance
Symbole de leur union fracassante : les cinq passes décisives délivrées par Akram Afif pour Almoez Ali lors de la Coupe d’Asie des nations 2019. Compétition au terme de laquelle sera sacré le Qatar, avec en point d’orgue 9 réalisations pour Almoez Ali et 10 offrandes au compteur d’Akram Afif – un record pour les deux hommes – en l’espace de seulement 7 matchs. 2019, une année durant laquelle Akram Afif sera également récompensé de la plus haute distinction individuelle continentale : joueur asiatique de l’année.
Depuis, rien n’a changé ou presque pour les deux acolytes âgés de 26 ans. Autour d’eux a été constitué un groupe expérimenté, peu talentueux, mais capable d’effectuer le travail de l’ombre pour laisser briller l’artiste Akram Afif et le puissant Almoez Ali. L’un est le meilleur joueur qatarien de l’histoire, l’autre le meilleur buteur de tous les temps d’une sélection qui n’attend qu’une chose : rayonner pour "sa" Coupe du monde à travers son duo de stars.
Afif-Ali, ce n’est finalement qu’une histoire de formation rigoureusement travaillée, d’échecs européens souvent comparés, d’un retour au pays qui les a relancés, d’une opposition dans un championnat bipolarisé, d’une association en sélection qui laisse à rêver et de destins intimement liés. Son destin, justement, chacun le joue durant cette Coupe du monde. Leur mésaventure respective en Europe a laissé des traces. Mais après ce Mondial, les deux souhaitent enfin s’y faire une place.
- Compétition : Coupe du monde 2022
- Match : Qatar - Equateur
- Date : Dimanche 20 novembre 2022
- Heure de début : 19h00 (heure locale) / 17h00 (heure française)
- Lieu : Stade Al Bayt, Al Khor, Qatar
- Télévision : TF1 / beIN Sports