Eusebio : un coeur, deux pays, mais une nation

Eusebio : un coeur, deux pays, mais une nation
Eusébio en 1963 (Wikipedia)

Eusébio Da Silva Ferreira est né le 25 janvier en 1942 à Maputo, l’actuelle capitale du Mozambique, dans le bidonville de Mafalda. À cette époque, le Mozambique est une colonie portugaise et le jeune Eusebio grandit aux côtés de ses 8 frères en face du stade du Sporting Lourenço Marques.

  • Histoire

Eusebio, c’est le football. Et son premier club, c’est l’équipe Os Brasileiros. Une formation à la brésilienne, comme un clin d’oeil à son destin plein de succès comme la sélection du Brésil. Plus jeune, il joue tous les soirs devant chez lui pieds nus avec des châtaignes ou des billes pour parfaire sa technique. A 15 ans, il décide d’aller affronter avec ses amis, le club très fermé du Sporting Lourenço et c’est là qu’il fait face au racisme.

« Je n’aimais pas le Marques, car c’était le club de l’élite et des policiers, le plus souvent des racistes. »

En 1957, le racisme fait partie du quotidien des Africains subsahariens dans les colonies et Eusebio voulait montrer sa supériorité face à ceux qui le raillaient. Mais en 1960 le célèbre entraineur hongrois du Sport Lisboa Benfica, Béla Guttmann, a entendu parler du prodige et envoie son délégué chercher celui qui deviendra l’idole du club. Eusebio signe au Benfica pour 1200 euros et part signer son contrat au Portugal, voyageant sous le nom de Ruth, un nom de femme, pour ne pas alerter le Sporting Portugal qui voulait le recruter à tout prix. Il débarque sur le port de Lisbonne, en plein hiver et du haut de ses 18 ans et jouera un seul match de la saison 1960-1961. Il se révèle la saison suivante, marquant 12 buts en 17 matchs, remportant la Coupe des clubs champions, et est contacté par la Juventus pour signer un contrat. Encore une fois, le fait d’être issu d’un pays colonisateur est un obstacle pour lui. Le dictateur portugais, Salazar, veut absolument qu’il fasse son service militaire et l’empêche de sortir du Portugal. Convoqué dans son bureau au moins 8 fois, Eusebio n’a jamais parlé d’un départ à celui qu’il appelait le Parrain, car il représentait la réussite des colonies.

Avec l’équipe du Benfica, Eusebio remporte 11 championnats du Portugal, 2 Coupes des clubs champions et 5 Coupes du Portugal. Il devient petit à petit le leader de l’équipe et marquera 473 buts en 440 matchs officiels. En 1965, il remporte le Ballon d’Or, le premier pour un joueur né sur le continent africain, ce qui participera à parler des conditions des pays colonisés par le Portugal.

Porte drapeau d’un peuple qui souffre, la Panthère noire représente le Portugal lors de la Coupe du monde 1966 en Angleterre. Là bas, il démontre tout son talent et termine meilleur buteur de la compétition mais il ne comprendra jamais pourquoi les speakers disaient qu’il était né au Mozambique alors qu’il se sentait portugais. Auteur de neuf buts, il est sacré meilleur buteur de la compétition. Son plus bel exploit, c’est en quart de finale contre la Corée du Nord. Les Coréens mènent 3-0 dès la 25ème de jeu. Tout le monde pense que le match est plié mais c’est à ce moment qu’Eusebio décide de se mettre en mode Black Panther. Pas de Wakanda à défendre mais la Coupe Jules Rimet. Le joueur de Benfica marque un quadruplé et qualifie son équipe à lui tout seul. Le Portugal est qualifié pour la demi-finale. Son statut de colonisé lui est rappelé par la presse. Pourtant, son plus grand regret c’est d’avoir perdu face à l’Angleterre en demi-finale. Un match qu’il estime avoir perdu hors du terrain : « Je n’ai pas gagné la Coupe parce que je venais d’un petit pays qui a accepté de déplacer notre rencontre à un jour du match pour pouvoir toucher plus d’argent de la billetterie. »

En 1975, la dictature éclate. Le Mozambique devient indépendant et toutes ses possessions sont confisquées par le nouveau gouvernement. Trop portugais pour certains, pas assez pour d’autres, Eusebio décède à l’âge de 75 ans en 2014 et sera surnommé « o Rei » - "le Roi" - par ses anciens colonisateurs, une réussite qu’il n’aurait jamais imaginé.  

Ça peut vous intéresser